« Les Jeux et les hommes »

L'aéropostale des lettres

30 octobre 2021 par

Philosophie

Les jeux et les hommes

  • Auteur : Roger Caillois
  • Date parution :
  • Difficulté : 5 / 5
  • Note : 5 / 5
  • ISBN : 2070326721
  • Edition : Folio
Si l’Homme est un animal social, quelle est la place du jeu en la société ? Longtemps, le jeu fût perçu comme le point où tout déchoit, où les instruments obsolètes des adultes vivent une seconde existence abâtardie entre les mains des enfants. Aujourd’hui, son importance culturelle ne fait plus de doute. Si c’est à Huizinga, par son Homo Ludens, que revient l’honneur d’avoir amorcé la révolution, Roger Caillois présente ici la première théorie globale des jeux (là où ses prédécesseurs laissaient les jeux de hasard dans l’ombre). Délaissant le seul point de vue enfantin, Caillois, par ce livre, poursuit le double objectif de Sociologie du jeu et de sociologie par le jeu. Définissant le jeu comme une activité libre, séparée, incertaine, improductive et réglée et/ou fictive (ces deux éléments étant quasiment systématiquement exclusif l’un de l’autre), l’auteur entreprend tout d’abord une classification des jeux. Pour cela, il réparti les jeux en quatre catégories : – l’agon (esprit de compétition) – l’aléa (jeu du hasard) – la mimicry (le simulacre) – l’ilinx (les jeux de vertige) De ces catégories, nous sommes invités à observer la poursuite de l’esprit hors du domaine du jeu. L’agon étant ainsi une représentation du sport et de la guerre, l’ilinx trouvant ses poursuites dans les alcools et autres produits stupéfiants, etc.
Remarquant des affinités naturelles entre ces catégories, l’auteur fais apparaître deux combinaisons naturelles de ces esprits. Le duo agon/aléa représente la mise à égalité de chacun, soit par l’abandon de la volonté au destin, soit par la création d’une situation équitable pour une compétition. L’ensemble mimicry/ilinx étant quant à lui l’anéantissement du moi par l’intermédiaire entre autres du costume ou de la déstabilisation de l’oreille interne. N’osant trancher qui de l’œuf ou la poule, l’auteur constate une étonnante corrélation entre le duo prédominant comme mode d’exercice du pouvoir et l’état d’avancement de la culture. Les sociétés développées privilégient l’égalité via l’ensemble agon/aléa où chacun est juridiquement placé en situation d’égalité afin de permettre une progression équitable dans la société, tandis que les sociétés primitives font elles le choix mimicry/ilinx avec un pouvoir abandonné à la personne cachée derrière un masque et hystérisée par la possession divine. Pour Caillois, l’apparition de systèmes culturels complexes semble dériver de la prise de conscience du simulacre par les personnes terrorisées sur qui s’exerce le pouvoir et qui décident alors de répartir le pouvoir au moyen de l’aléa (c’est là le miracle grec avec sa désignation par tirage au sort) puis de tendre au maximum vers l’agon qui n’est que l’expression des systèmes méritocratiques. Vertigineux.

Camarade Corentin