1 avril 2022 par Jean Mermoz
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Le goût du silex, premier roman d’un auteur dont on pourrait de prime abord ne pas attendre grand chose, a ce charme si particulier des cartes postales d’antan. Chaque page se savoure comme l’illustration d’un autre temps, avec d’autres français, une autre langue, une autre façon de vivre, bref une autre époque. L’expansion de la modernité et de l’organisation du territoire ne laissent aujourd’hui plus entrevoir ces quelques bastions de ruralité — disons même de France, car voilà ce qu’elle est dans sa forme la plus pure et naturelle — qui se raréfient dans l’agonie depuis quelques décennies.
S’appuyant sur ses souvenirs de vacances en campagne Touraine, Alexis Chevarnay nous fait vivre les trépidantes aventures de Léonard, jeune garnement gouailleur s’épanouissant dans ces charmants villages de cul-terreux. Au détours des frasques truculentes de Léonard, nous découvrons un pays aux couleurs poétiques et aux sonorités argotiques d’une incomparable richesse, peuplé par des personnages de caractère. Irrésistiblement attiré par ce centre perdu de la race française, Léonard prend conscience que c’est ici, dans la ferme de l’oncle Jean, ou encore verre de Vittel-cass’ à la main à côté de La Dorure le jour du marché avec les vieux de la vieille, c’est-à-dire auprès de la famille et des compagnons de route, qu’il veut couler ses jours, loin des plaisirs tragiques de Paris qui rythment ses années scolaires.
Dans l’esprit de ceux qui ont encore la capacité d’en saisir l’atmosphère et la beauté, cette plongée dans la France profonde se présente comme un retour à la surface, une ultime respiration avant d’inéluctablement retourner se noyer dans le flot de la foule moderne parisienne. Alexis Chevarnay, qui fort de son érudition de bibliophile multiplie les petits clins d’œil, nous livre ici un roman de grande qualité, plaisant à lire, viscéralement français, qui pourra perdurer dans le temps comme le témoin de tranches de vie révolues.