L’empêchement de la littérature

L'aéropostale des lettres

5 novembre 2021 par

Littérature

L'empêchement de la littérature

  • Auteur : Georges Orwell
  • Date parution :
  • Difficulté : 3 / 5
  • Note : 5 / 5
  • ISBN : 9791096562152
  • Edition : R&N

Nous disons souvent que la qualité littéraire est le reflet de son époque.Nul hasard si les sociétés libérales ont connu les heures de gloire de la littérature : la pensée y a été plus libre que jamais. Mais en 1946, c’est dans le monde bipolaire opposant le libéralisme au communisme que George Orwell a pu constater autour de lui la contamination des esprits littéraires au service du communisme.

 

Il en avait identifié le danger mortel pour la littérature, le poison instillé par les sociétés totalitaires pour étouffer la pensée et provoquer l’adhésion à un nouveau dogme. Sous prétexte de lutter contre l’individualisme bourgeois, les communistes s’en prennent aux écrivains : ils banalisent la censure et les contre-vérités tandis qu’ils taisent les famines, de sorte que la perversion de l’histoire et des histoires semble être leur seule et commune entreprise.

 

Par un verrouillage de la vérité qui ne peut être que dictée et révélée par le régime totalitaire, il n’est plus permis de dire autre chose qui nuirait au régime, donc de relater des faits avec honnêteté pour le journaliste, donc d’étudier la sociologie en s’appuyant sur le réel, donc d’écrire l’histoire telle qu’elle se déroule, donc de produire des romans dûment inspirés. Sauf le poète suffisamment extérieur au monde pour être jugé inepte, c’est toute la littérature qui se retrouve paralysée, empêchée : pourquoi écrire ? Il n’y a rien à dire, rien à expliquer, rien à créer hors de la vérité du régime.

Au mieux, la littérature continue de convulser au moyen d’œuvres impersonnelles, d’une écriture dénaturée, bref de produire des œuvres insipides. Toujours prophétique, Orwell envisageait alors que dans ce cas, probablement, « les romans et les nouvelles seraient totalement remplacés par des films et des productions radiophoniques, ou peut-être qu’un genre de fiction sensationnelle de second ordre survivrait, produit par une sorte de rouleau compresseur qui réduirait les initiatives humaines à leur strict minimum ».

 

George Orwell ne se contente ainsi pas de nous alerter sur l’importance première de la liberté d’expression et de pensée. La création littéraire étant jusqu’ici inséparable de l’honnêteté intellectuelle, il nous enseigne que d’esprits médiocres, bâillonnés ou non, ne peut advenir de grands auteurs. Si la littérature française de nos jours semble empêchée, ce n’est peut-être pas le fruit d’un totalitarisme rampant et du manque d’honnêteté qui en découlerait, mais plutôt d’un déficit intellectuel chez les « écrivains » mis en avant. Pour dire que « deux et deux font quatre », encore faut-il savoir compter.

Camarade Arnaud