L'aéropostale des lettres
Lhomme en son temps et en son lieu 1

9 mai 2022 par

Philosophie

L’homme en son temps et en son lieu

  • Auteur : Bernard Charbonneau
  • Date parution : 24/05/2017
  • Difficulté : 1 / 5
  • Note : 5 / 5
  • ISBN : 979-10-96562-07-7
  • Edition : R&N

Dans cet article dont la hauteur dépasse celle des sphères terrestres et savamment introduit par la préface de Jean Bernard-Maugiron, Bernard Charbonneau explore ces deux dimensions mystérieuses bornant notre existence au cœur de l’incommensurable dont on évalue aisément le caractère sans pouvoir en comprendre le sens. Tandis que l’espace s’étend autour de l’homme, enroulant de son étreinte le vivant et l’inerte, le temps reste inlassablement piégé dans l’éternel instant du présent, irrévocablement cerné par l’éternité du passé et du futur, transperçant de ses aiguilles les passagères matérialités du monde.

 

« Ayant accepté d’être un homme, il me faut bien vivre dans le temps. Et vivre ne se réduit pas à l’automatisme d’une formule, c’est un art de dominer les contraires : à la fois libre à l’instant, et délivré de lui. Il me faut le temps d’être un homme ; le civilisé qui traque les secondes ne l’est pas plus que le primitif somnolent dans la stagnation des siècles. Demain, il sera trop tard, chaque seconde m’est comptée, et pourtant je ne peux cueillir ce fruit hors de saison. »

 

À l’heure où l’espace se ferme et s’uniformise en un gigantesque cimetière de l’être au profit de l’avoir, le temps accélère à une cadence frénétique, insoutenable. L’homme qui en aurait terminé de l’histoire passée comme future et fait de tout lieu son égal se déplacerait alors dans un quadrillage sans horizon au sein duquel l’accélération permanente du temps — perceptible par une humanité aussi bien individuelle qu’espèce, qui vieillit sans comprendre qu’elle ne peut être immortelle ni vivre en tout lieu — annonce le chaotique ressac de la lame de fond spatio-temporelle qui toujours a emporté l’homme dans le flot dissolvant du devenir.

 

« Mais, avec les années, l’individu réalise que, non seulement le temps s’enfuit, mais qu’il s’enfuit d’un mouvement accéléré. La nuit d’amour dont l’aube semblait ne jamais devoir se lever n’est plus qu’un bref instant de rêve entre le jour et le jour ; du printemps au printemps, les saisons sont plus courtes que ne l’étaient les heures. Vient même un âge qui réalise la disparition du présent, qui ne peut plus dire : je vis, mais : j’ai vécu ; où rien n’est sûr, sinon que tout est déjà fini. »

 

L’homme en son temps et en son lieu de Bernard Charbonneau est une évidence : celle des limites que nous posent ces deux conditions indépassables. Loin de fuir à contre-courant dans le vain espoir d’aplanir le temps et l’espace, l’homme libre est alors celui qui en accepte le cadre, c’est-à- dire qui se tient immobile dans le déferlement de l’air du temps, ancré en un lieu profond, relief dans lequel il s’est enraciné, puis acceptant sa finitude sous l’infinité poussiéreuse du ciel.

Camarade Arnaud